Lors du Festival Bella Ciao, des 10 et 11 octobre 2015 , l’association a présenté une exposition sur l’Irlande, invitée d’honneur de cette deuxième édition .
Certains n’ont pas pu la voir, d’autres n’ont pas eu le temps de tout voir, ou de tout lire… alors nous avons décidé de « tout simplement » la mettre en ligne .
Nous vous donnons l’occasion de replonger dans l’Histoire de ce peuple irlandais … et de parcourir son « dur chemin vers la liberté » à travers des photos d’archives de La Bibliothèque Nationale de France, des textes explicatifs ( Larousse, monde diplomatique) , des proverbes et citations d’auteurs ; pour peut-être mieux le comprendre… pourquoi (mieux) comprendre? peut-être parce que… « comprendre c’est aimer » ( cf: critique du livre La résistance Irlandaise de Roger Faligot)
Pour conclure cette exposition,
un conseil de lecture pour approfondir le sujet
LA RESISTANCE IRLANDAISE (1916-2000).
Roger Faligot. octobre 1999 Edition Terre de Brume
« Nous seuls » : c’est la traduction, en gaélique, de Sinn Féin.
Les premiers militants rêvaient d’un pays uni et communiste. Ils doivent affronter un empire britannique qui, en 1921, lâche l’Irlande du Sud mais maintient sous sa coupe le Nord industrialisé. Un empire qui, hanté par le spectre du communisme, abuse, à partir 1971, davantage encore de ses pouvoirs régaliens et bafoue chaque année un peu plus les droits humains (tortures et internements sans procès) dès lors qu’il s’agit de militants nationalistes.
Comment résister ?
Les catholiques d’Irlande du Nord adoptent tour à tour le combat armé, la négociation ou la rupture avec les institutions. L’Irlande du Sud, selon les gouvernements qui la dirige, opte pour un soutien à la cause nationaliste ou pour une collaboration avec l’armée britannique. Quant aux protestants, suivant leurs intérêts politiques et économiques, ils font plus ou moins corps avec Londres.
Roger Faligot détaille les différentes étapes de cette guerre sanglante et complexe, du « Bloody Sunday » à la poignée de main entre Mme Mary Robinson et M. Gerry Adams. Et il conclut, optimiste, sur l’émergence des modérés qui, faute de créer une grande Irlande, mèneront peut-être enfin leur pays à la paix.
Anick Perreault-Labelle Le monde diplomatique/ 1999
“Le dur chemin vers la liberté
Ce livre nous rappelle que l’ Irlande ne se résume pas à un trèfle, une stout, de verts paysages, des moutons et de la musique, même si ce sont là des éléments important à ne pas négliger. Roger Faligot nous explique et nous raconte la lutte du peuple Irlandais pour obtenir son indépendance au sud et sa lutte au nord pour l’obtention de cette indépendance. Le livre ne traite cette Histoire qu’à partir de 1916 (jusqu’en 1999) et nous montre les sacrifices qu’on dus consentir les Irlandais faces aux Britanniques. Bien que l’antagonisme entre les Irlandais et les anglais remonte à bien plus longtemps, ce livre nous donne les clefs de la compréhension d’un conflit qui s’est déroulé sous les yeux d’une Europe « aveugle ». Il met le doigt sur des aspects de la politique anglaise que les médias Français on toujours préférer passer sous silence, occultant la vérité historique et les faits. Je vous recommande fortement cette lecture afin de comprendre un peuple chez qui les Français se plaisent a passer leurs vacances. Comprendre c’est aimer.”
Signé: Un lecteur sur Critique libre.com
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Enfin, voici quelques textes lus le dimanche 11 octobre par l’assemblée…
Tout d’abord le poème qui n’a été lu que partiellement de William Butler Yeats traduit ici en Français.
EASTER 1916 (PÂQUES 1916)
Je les ai rencontrés à la tombée du jour,
Qui venaient avec des visages éclatants
De leur comptoir, de leur bureau, parmi les grises
Maisons du dix-huitième siècle.
J’ai passé avec un salut de la tête
Ou des mots polis dépourvus de sens,
Ou bien je me suis attardé un instant et j’ai dit
Des mots polis dépourvus de sens,
Ou avant même d’avoir fini j’ai pensé
A quelque histoire plaisante, ou à un bon mot,
Destinés à distraire une connaissance
Au club, au coin du feu,
Parce que j’étais sûr qu’eux et moi
Nous jouions dans la même farce:
Tout est changé, changé du tout au tout :
Une beauté terrible est née.
Cette femme, ses jours se passaient
Dans un dévouement sans méfiance;
Ses nuits, ses argumentations
A en avoir la voix brisée.
Quelle voix pourtant était plus douce que la sienne
Dans la beauté de sa jeunesse,
Au temps où elle chassait à courre?
Cet homme avait tenu une école,
Et monté notre cheval ailé;
Cet autre qui l’aidait, son ami,
Arrivait à la force de l’âge:
Pour finir il aurait sans doute conquis la gloire
Tant sa nature paraissait sensible,
Si audacieuse et délicate sa pensée.
Cet autre encore, toujours j’avais songé à lui
Comme à un rustre ivrogne et prétentieux.
Il avait causé un tort très amer
A des êtres proches de mon coeur.
Pourtant, je le compterai au nombre de ceux que je chante ;
Lui aussi a cédé son rôle
Dans la comédie dérisoire ;
Lui aussi a été changé à son tour,
Transformé du tout au tout :
Une beauté terrible est née.
Les coeurs qui n’ont qu’un seul dessein,
Hiver comme été, voici qu’un sortilège
Semble les avoir changés en une pierre
Qui trouble le courant de la vie.
Le cheval qui vient sur la route,
Le cavalier, les oiseaux qui errent
Dans le mouvant désordre des nuages,
Changent de minute en minute ;
L’ombre d’un nuage sur le courant
De minute en minute change ;
Le sabot d’un cheval dérape sur le bord
De l’eau, et le cheval y tombe ;
Les poules d’eau aux longues pattes plongent,
Les poules d’eau appellent les coqs des marais ;
Tous vivent dans l’instant :
Mais la pierre est au milieu d’eux tous.
Un sacrifice trop long
Peut changer le coeur en pierre.
Quand cela sera-t-il assez ?
En finir est le rôle du Ciel, et notre rôle
Est de murmurer les noms l’un après l’autre
Comme une mère le nom de son enfant
Lorsqu’enfin le sommeil s’est appesanti
Sur ses membres fatigués par la course.
Qu’est-ce d’autre que la nuit qui tombe ?
Non, non, – non pas la nuit : la mort ;
Mais était-ce, après tout, une mort inutile ?
L’Angleterre, en effet, pourrait tenir parole
Malgré tout ce qui a été dit et fait.
Nous le connaissons leur rêve ; assez
Pour savoir qu’ils ont rêvé et qu’ils sont morts ;
Mais si le mirage d’un excessif amour
Les ayant égarés, était la cause de leur mort ? en vérité je le résume à un poème-
MacDonagh et MacBride, Et Connolly et Pearse,
Maintenant et à tout jamais,
Partout où l’on porte le vert,
Sont changés, changés du tout au tout :
Une beauté terrible est née.
William Butler Yeats
– 25 septembre 1916
Traduit de l’anglais par Jean-Yves Masson-« Michael Robartes et la danseuse »- Editions Verdier
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MICHAEL COLLINS
(© Derek Warfield & The Wolfe Tones -1983 Triskel Records)
Come listen all me true men to my simple rhyme
For it tells of a young man cut off in his prime
A soldier and a statesman who laid down the law, and,
To die by the roaside in lone Beal na Bla
When barely sixteen to England crossed o’er
For to work as a boy in a government store
But the Volunteers call he could not disobey
So he came back to Dublin to join in the fray
-Chorus-
At Easter nineteen sixteen when Pearse called them out
The men from the Dublin battalion roved out
And in the post office they nobley did show
How a handful of heros could outfight the foe.
To Stafford and jails transported they were
As prisonners of England they soon made a stir
Released before Christmas and home once again
He banded old comrades together to train
Dail Eireann assembled our rights to proclaim
Suppressed by the English you’d think it’s a shame
How Ireland’s best and bravest were harried and torn
From the Arms of their loved ones and children new born.
For years Mick eluded their soldiers and spies
For he was the master of clever disguise
With the Custom House blazing she found t’was no use
And soon Mother England had asked for a truce
Oh when will the young men a sad lesson spurn
That brother and brother they never should turn
Alas that a split in our ranks ‘ere we saw
Mick Collins stretched lifeless in lone Beal na Bla
Oh long will old Ireland be seeking in vain
Ere we find a new leader to match the man slain
A true son of Grainne his name long will shine
O gallant Mick Collins cut off in his prime.
Traduction:
Venez tous, les fidèles, écouter ma simple chanson
Qui parle d’un jeune homme fauché dans sa jeunesse
Un soldat et un homme d’état qui a fait la loi, et,
Qui est mort sur un bas-coté désert de Beal na Bla
Il avait à peine seize ans quand il est parti en Angleterre
Pour travailler comme commis dans un entrepot d’état
Mais il n’a pu désobéir à l’appel des Volontaires
Et il est revenu à Dublin pour les combats.
Pâques mil neuf cent seize quand Pearse les a appelés
Les hommes de Dublin ont formé le bataillon
Et au bureau de poste ils ont noblement montré
Comment une poignée de héros peut vaincre l’ennemi.
Ils furent déportés et emprisonnés à Stafford
Comme prisonniers de l’Angleterre ils firent vite sensation
Relâché avant Noël et de retour au pays
Il a rassemblé et entrainé les anciens camarades
Dail Eireann a réuni nos droits à proclamer
Réprimés par les Anglais pensez vous, quelle honte
Comment les meilleurs et plus courageux Irlandais étaient harcelés et arrachés
Aux bras de leurs proches et des nouveaux-nés.
Pendant des années Mick a évité leurs soldats et leurs espions
Car il était le maître du déguisement
Avec l’incendie de l’entrepot des douanes elle a compris que ça ne servait à rien
Et bientôt la Mère Angleterre a demandé une trêve
Oh quand donc les jeunes hommes mépriseront une triste leçon
Que les frères ne doivent jamais se retourner contre les frères
Hélas nous avons vu nos rangs se déchirer
Mick Collins est étendu sans vie à Beal na Bla la déserte
Oh la vieille Irlande cherchera longtemps en vain
A retrouver un nouveau chef pour remplacer l’homme tué
Un vrai fils de Grainne son nom brillera longtemps
O brave Mick Collins fauché dans sa jeunesse.
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BACK HOME IN DERRY (© Bobby Sands)
In 1803 we sailed out to sea
Out from the sweet town of Derry
For Australia bound if we didn’t all drown
And the marks of our fetters we carried.
In the rusty iron chains we sighed for our wains
As our good wives we left in sorrow.
As the mainsails unfurled our curses we hurled
On the English and thoughts of tomorrow.
CHORUS Oh Oh Oh Oh I wish I was back home in Derry.
Oh Oh Oh Oh I wish I was back home in Derry.
I cursed them to hell as our bow fought the swell.
Our ship danced like a moth in the firelights.
White horses rode high as the devil passed by
Taking souls to Hades by twilight.
Five weeks out to sea we were now forty-three
Our comrades we buried each morning.
In our own slime we were lost in a time.
Endless night without dawning.
CHORUS
Van Dieman’s land is a hell for a man
To live out his life in slavery.
When the climate is raw and the gun makes the law.
Neither wind nor rain cares for bravery.
Twenty years have gone by and I’ve ended me bond
And comrades’ ghosts are behind me.
A rebel I came and I’ll die the same.
On the cold winds of night you will find me
CHORUS
Trad: REVENIR à DERRY (© Bobby Sands)
En 1803 nous sommes partis
De la douce ville de Derry
Pour l’Australie si nous ne nous noyons pas tous
Et nous portions les marques de nos fers.
Couverts de chaines rouillées nous soupirions pour nos chariots
Et pour nos femmes que nous laissions à regret.
Et comme les grand-voiles se dépliaient nous maudissions
Les Anglais et les rêves d’avenir.
Oh Oh Oh Oh j’aimerais revenir à Derry.
Oh Oh Oh Oh j’aimerais revenir à Derry.
Je les vouais tous à l’enfer quand l’étrave combattait les vagues.
Notre navire dansait comme un papillon autour d’une flamme.
Les chevaux blancs caracolaient quand le diable passait
Pour emporter les âmes en Hadès au crépuscule.
Cinq semaines de mer et nous étions à présent quarante trois
Nous enterrions nos camarades tous les matins.
Crasseux, hors du temps. Nuit éternelle, sans aube.
Oh Oh Oh Oh j’aimerais revenir à Derry.
Oh Oh Oh Oh j’aimerais revenir à Derry.
La terre de Van Dieman est un enfer pour l’homme
Qui y est en esclavage.
Quand le climat est rude et quand les armes font la loi.
Ni le vent ni la pluie ne se soucient du courage.
Vingt ans ont passé et j’ai purgé ma peine
Et les fantômes de mes camarades sont derrière moi.
Je suis arrivé rebelle, et je mourrais de même.
Vous me trouverez dans le vent froid de la nuit
Oh Oh Oh Oh j’aimerais revenir à Derry.
Oh Oh Oh Oh j’aimerais revenir à Derry.
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» Je suis d’une génération de gens qui vont et viennent, des nomades. Les écrivains de mon âge ne sont pas comme Yeats et Joyce, qui devaient partir et qui écrivaient pour résister. Quand il n’y a plus rien d’autre, reste le langage. Les Anglais ont interdit notre musique, notre culture gaélique… Il y a 50 ans, on aurait organisé une veillée pour mon départ en Irlande. Aujourd’hui, ma mère me dit : » t’es encore là, toi ! » Il serait dommage que l’Irlande perde cette faculté de résistance, à travers sa langue. En Irlande du Sud, la littérature est moins forte, tout vient du Nord. Le côté sombre des choses : la bonne littérature vient de la difficulté. Je suis descendu dans les tunnels parce j’étais attiré par le côté sombre des choses. Je ne suis pas né dans un milieu pauvre, mais dans une famille de classe moyenne. Je n’écris pas pour délivrer un message politique, idéologique. Ce qui m’intéresse, c’est le côté sombre du coeur de l’homme. Il ne faut pas faire de sentimentalisme avec les gens pauvres, les gens qui souffrent. J’écris pour mieux comprendre le monde. En ce sens, je tends plus vers Jim Harrison que vers John Updike… La littérature doit se frotter au monde.
Colum McCann
PROPOS RECUEILLIS PAR
GUILLAUME CHEREL (AVEC MARIE-CLAUDE PEUGEOT)
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« Je gravis une colline en pente douce en essayant d’oublier la tête de Mts. Goggin devant mon refus d’avaler au petit déjeuner son boudin noir, blanc, et sa troisième saucisse quand, soudain, à la sortie d’un virage en haut de la côte, une voiture jaillit. Elle décolle, comme un bolide de rallye, complètement déportée de mon côté. Elle m’évite d’une embardée et passe dans un rugissement de moteur non sans expédier dans l’angle de mon pare-brise un petit caillou qui provoque un éclat. Au passage, j’entrevois distinctement le chauffard : une vieille dame d’une soixantaine d’années à l’air légèrement allumé, qui m’adresse un grand sourire aimable et un signe de l’index, en s’éloignant à tombeau ouvert. Elle n’a pas l’air de réaliser qu’il aurait suffi que je roule un tout petit peu plus vite, ou que l’on se croise cinquante mètres plus loin, pour que nos deux véhicules s’encastrent l’un dans l’autre. Depuis que je roule sur les routes irlandaises, ce n’est pas le premier chauffard que je croise et la plupart du temps il s’agit de petites vieilles avec une lueur étrange dans le regard. En Angleterre, les mêmes fous du volant seraient âgés d’à peine vingt ans.
Leur conduite n’a pourtant rien d’agressif. Simplement, elles sont… rapides, vous voyez le genre. En tout cas, elles conservent cette courtoisie autrefois en vogue dans les campagnes, qui consiste, au volant, à lever l’index pour saluer, comme si elles n’avaient croisé que nous de toute la semaine. Du moins je pense qu’elles le font pour saluer. Mais si ça signifie : « Va te faire mettre, connard d’Anglais », je dois dire que c’est exprimé avec beaucoup de charme. »
Extrait de l’irlande dans un verre , Pete McCarthy Edition Hoebeke
LA BALLADE NORD IRLANDAISE ( RENAUD )
SUR L’AIR DE THE WATER IS WIDE
J’ai voulu planter un oranger
Là où la chanson n’en verra jamais
Là où les arbres n’ont jamais donné
Que des grenades dégoupillées
Jusqu’à Derry ma bien aimée
Sur mon bateau j’ai navigué
J’ai dit aux hommes qui se battaient
Je viens planter un oranger
Buvons un verre, allons pêcher
Pas une guerre ne pourra durer
Lorsque la bière et l’amitié
Et la musique nous feront chanter
Tuez vos dieux à tout jamais
Sous aucune croix l’amour ne se plaît
Ce sont les hommes pas les curés
Qui font pousser les orangers
Je voulais planter un oranger
Là où la chanson n’en verra jamais
Il a fleuri et il a donné
Les fruits sucrés de la liberté
C’est vraiment superbe ce que vous avez fait: c’est vrai qu’à l’occasion du festival on est peut-être passé un peu rapidement devant les images exposées.
Bravo, il y a un énorme travail de recherche sur cette èpoque trouble de l’Irlande.
Iconographie superbe.
Cloé, Kevin et tous ceux que nous n’avons pas le plaisir de connaître: « chapeau bas »
Hubert Drieu
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